Alors que les chantiers se multiplient à travers la Guinée, une grave crise de ciment paralyse le secteur du bâtiment. Maçons à l’arrêt, prix en forte hausse, ménages découragés : la pénurie provoque un véritable bouleversement économique et social.
Sous un soleil de plomb, des camions peinent à décharger quelques sacs de ciment dans la boutique d’Adama Sow, vendeur établi à Coyah. À peine posés à terre, les sacs sont pris d’assaut. Les clients se pressent, certains reviennent chaque jour en vain. Le ciment, devenu un bien rare, est désormais surnommé « l’or gris ».
« Avant, je vendais un sac à 80 000 GNF. Aujourd’hui, ça monte à 130 000, voire 140 000 GNF quand le stock est faible », déplore Adama Sow, dans le métier depuis dix ans. « On n’y gagne même plus vraiment. Le ciment arrive au compte-gouttes, et avec les frais de transport et les taxes, nos marges sont quasi nulles. »
Cette situation a de lourdes conséquences pour les particuliers comme pour les professionnels. Ibrahima, jeune fonctionnaire, a dû suspendre les travaux de construction de sa maison, faute de moyens.

« J’avais un budget bien défini, mais depuis trois semaines, je ne trouve plus de ciment à un prix abordable. On nous parle de rupture au port, de blocage des importations… En attendant, le chantier est à l’arrêt et les maçons sont allés travailler ailleurs. »
Toute la chaîne artisanale est impactée. Abdoulaye, fabricant de briques en terre stabilisée, est à bout de souffle.
« Sans ciment, je suis bloqué. Il me faut 10 à 15 sacs par tonne de briques. Avant, je produisais 500 briques par jour ; aujourd’hui, à peine 100. Les clients ne commandent plus à cause des prix, et je peine à rémunérer mes apprentis. »

Les causes de la pénurie sont multiples : dépendance aux importations, monopole de certains fournisseurs, spéculation, problèmes logistiques… En attendant, cette crise ralentit les projets de logement, menace l’emploi et renforce la précarité dans un secteur déjà vulnérable.
Les autorités affirment avoir pris des mesures pour réguler les prix et encourager la production locale. Mais sur le terrain, l’impatience et l’inquiétude grandissent.

« Nous voulons juste que les choses reviennent à la normale. Le ciment, c’est la base de tout. Comment construire un pays si l’on ne peut même pas construire une maison ? », conclut Adama Sow, le regard posé sur ses étagères presque vides.
Souleymane Diaby pour Mitty224.com